L'amanderaie du prêtre. Mosen Rafael Ayerbe
- T. Delàs
- 9 mai
- 4 min de lecture
Mai 2025
À Alquézar, près de la collégiale, il y a un endroit connu sous le nom d’amanderaie du prêtre où subsistent encore de vieux amandiers. C'est là que Mosen Rafael Ayerbe a mené ses recherches.

Rafael Ayerbe est né en 1872, à Radiquero, a fait des études ecclésiastiques au séminaire de Huesca et a obtenu une licence en théologie à Saragosse. En 1899, il est nommé curé archiprêtre de la collégiale Santa María de Álquezar où il reste toute sa vie.
Tout de suite il a noté avec préoccupation les difficultés rencontrées par les agriculteurs locaux dans leurs cultures d’amandes. Homme compatissant et solidaire, il a décidé de consacrer son temps libre à ses recherches et à son amélioration. Intéressé par l'agriculture et la botanique, il commence à expérimenter différentes espèces sur un petit terrain caillouteux et aride à côté de la collégiale d’Alquezar, qui est bientôt appelé l'amanderaie ou le potager du prêtre
Sa principale contribution a été le développement de techniques de greffe qui ont révolutionné la culture. Sa méthode, connue sous le nom de « greffe Ayerbe », permettait de profiter des amandiers sauvages comme porte-greffes, améliorant significativement l'adaptation des nouvelles variétés au terrain et atteignant un résultat surprenant en termes de rendement des fruits.
Grâce à des années d'expérimentation patiente dans les champs d'Alquézar, il a réussi à créer des espèces plus résistantes et productives. Parmi ses réalisations les plus remarquables, on peut citer la sélection et l'amélioration des varietés d’amandiers locales, obtenant des spécimens qui combinaient une excellente qualité du fruit avec une plus grande résistance au gelées, l'un des principaux problèmes affectant les cultures de la zone. Ses recherches se concentrèrent notamment sur l'obtention de variétés à floraison tardive, ce qui réduit considérablement le risque de pertes dues aux gelées printanières.

L'amande, connue sous le nom de « Desmayo Largueta », représente l'une des variétés les plus emblématiques et significatives du patrimoine agricole espagnol. Le nom de largueta dérive de sa forme allongée et aplatie caractéristique, qui la distingue des autres espèces et le nom de desmayo (évanouissement) est du à que ses branches et ses feuilles tombent vers le bas créant un aspect pleureur ou « évanoui », lui donnant un aspect unique parmi d'autres amandiers. Il a d'excellentes qualités organoleptiques. Le grain présente une saveur sucrée exceptionnelle et une texture douce qui la rend particulièrement appréciée dans l'industrie de la pâtisserie et de la consommation directe. Sa teneur en huile et la qualité de ses protéines en font une variété premium sur le marché. L'amande largueta est devenue l'une des variétés traditionnelles les plus importantes en Espagne, notamment en Aragon, en Catalogne et dans d'autres régions de la vallée de l'Èbre.

Les améliorations apportées par Mosén Ayerbe ont permis d'obtenir des arbres plus résistants et productifs, tout en conservant les caractéristiques qualitatives qui la rendent unique, référence dans le secteur amandier. La systématisation des techniques qu'il a développées a d'ailleurs contribué à l'expansion de la culture.
Outre ses contributions techniques, Ayerbe s'est distingué par son travail social et éducatif. Il a généreusement partagé son savoir avec les agriculteurs locaux, en organisant des conférences et des démonstrations pratiques. Il entreprit un intense travail de diffusion à travers des écrits et des conférences jusqu'à ce que sa connaissance se répandit dans tout l'Aragon. Il fait partie de la Confédération hydrographique de l'Èbre et est nommé membre de l'Académie des sciences de Saragosse
La diffusion de leurs connaissances ne s'est pas limitée au niveau local. Les agriculteurs de toute l'Espagne commencèrent à s'intéresser à ses méthodes et son travail transcenda les frontières. Il a suscité l'intérêt des producteurs d'amandes d'autres pays, notamment l'Italie et la France, et a contribué de manière significative au développement de la culture de l'amande dans le bassin méditerranéen.
Il a publié « L'amandier Desmayo. Sa culture, son terrain, sa multiplication, son greffage, son récolte, ses avantages sur d’autres variétés » (Huesca. 1922) et « Cahier de la culture de l’amandier Desmayo » (Huesca, 1923)
En 1926, on lui impose la Grande Croix du Mérite Agricole et on donne son nom à la Plaza Mayor de la ville d'Alquezar. Il est décédée en octobre de cette année, quelques jours avant que l'Exposition des Produits du Champ de Saragosse décerne la Médaille d'or à l'amandier desmayo.
Son héritage perdure encore aujourd'hui. Ses recherches ont jeté les bases d'études ultérieures sur la culture de l'amandier et ses variétés. L'importance de son travail a été reconnue par la communauté scientifique et par les agriculteurs.

Mosén Rafael Ayerbe représente un exemple exceptionnel de comme le dévouement et la recherche pratique peuvent transformer un secteur de production. Son travail a non seulement amélioré la vie des agriculteurs de notre région, mais a également contribué de manière significative au développement de la culture de l'amandier à l’échelle nationale et internationale. Son empreinte se perpétue dans les techniques de culture actuelles et dans les variétés améliorées qui restent la référence dans le secteur.
La figure d’Ayerbe nous rappelle l’importance de l’innovation et comment la connaissance locale, associée à l’expérimentation systématique, peut produire des avancées significatives dans l’agriculture. Ses travaux constituent un modèle d'engagement en faveur du développement rural et de l'amélioration des conditions de vie de la communauté.
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